Acceuil France Minority Report : Bientôt une réalité en France ?

Minority Report : Bientôt une réalité en France ?

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Pour comprendre le titre du billet, il faut avoir vu le film Minority Report réalisé par Steven Spilberg, et dont le héros est incarné par Tom Cruise. Film de science-fiction dans lequel la présomption d’innocence n’a plus court, vu que la société a mis en place un système qui peut voir les criminels avant qu’ils ne passent à l’action et donc les condamner pour le crime qu’ils auraient commis. Aujourd’hui, je m’interroge ! La nouvelle mesure que le gouvernement veut faire passer, de gré ou de force, c’est de ne pas libérer « certains criminels » après leur peine de prison purgée, sous le prétexte de « Protéger les victimes » . Même si cette mesure part d’un bon sentiment, pour éviter les récidives, je m’inquiète quant à son avenir.

D’une part, je trouve un peu fort de café, de la part de Nicolas Sarkozy de vouloir imposer coûte que coûte une telle mesure aux condamnés déjà en prison. En France, aucune loi ne peut être rétroactive. Or, voilà que pour la deuxième fois depuis le début de son septennat il va bousculer les règles du jeu en imposant une mesure a effet rétroactif. Et oui, un décret est paru concernant les voitures polluantes qui est entré en vigueur pour tous les véhicules mis en service depuis le 1er janvier 2006, et vendu après le 1er janvier 2004… Evidemment on n’en a pas trop fait état, mais cherchez bien, c’est la réalité !

L’article 62 de la Constitution dit « Une disposition déclarée inconstitutionnelle ne peut être promulguée ni mise en application.

Les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. »

Pourtant cela n’empêche pas notre président de saisir le président de la cour de Cassation pour passer outre cet article.

Alors que penser ? Que l’on a pas le choix, que quoique disent les institutions, il faut se plier à la volonté présidentielle ?

Hormis le fait que l’on revienne sur un principe fondamental qu’est la non-rétroactivité d’une loi, je trouve que cette mesure va être une porte ouverte à tous les abus. Trois psychiatres devront juger de l’état mental du condamné pour donner leur accord sur la liberté après la peine, ou prolonger sa détention par un an renouvelable. Or, si dès le départ on juge que la personne est mentalement dangereuse, pourquoi ne pas directement demander sa détention dans un hôpital ou elle recevra des soins ?

La peine de mort a été abolie en 1981 en France, et désormais la peine maximale est « la perpétuité ». Il me semble que le mot « perpétuité » veut bien dire ce qu’il veut dire : « A vie ». Seulement on a détourné la signification de ce mot pour désigner (il me semble) une peine maximale de 30 ans en y ajoutant une clause de « période de sureté incompressible de x années »…

Imposer une telle mesure c’est oublier un principe fondamental dans le processus judiciaire. Nul ne peut être condamné avant d’avoir été jugé coupable. Or, là c’est la présomption d’innocence qui est bafouée. Soit un criminel peut être récidiviste, mais tant qu’il n’est pas passé à l’acte, il ne peut pas être jugé sur des « faits qu’il pourrait commettre ». Pour un crime dont il a payé sa dette envers la société, j’estime que l’on ne peut pas le condamner par avance sous prétexte que 3 psychiatres l’auront reconnu comme dangereux.

S’il l’est vraiment, alors autant le déclarer irresponsable de ses actes, et l’enfermer jusqu’à complète guérison.

Faut pas oublier l’affaire d’Outreau. Si la mesure d’appel n’avait pas été possible à l’époque dans un procès d’assises, les « pseudos-accusés » purgerait aujourd’hui une peine de plus de 20 ans, et seraient donc susceptibles de rester en prison à vie sous le prétexte de « protéger des futures victimes ».

Que vont faire les avocats pénalistes maintenant ? : Essayer de faire condamner leur client à une peine moins sévère pour leur éviter une possible prolongation de leur séjour en prison.

Il faut peut-être se pencher sur les cas « à risque » de récidive, les obliger à des soins, et ne pas attendre que leur peine soit purgée pour se pencher sur leur cas.

Pour une trentaine de cas recensé en France, on va sortir un bulldozeur pour écraser une mouche ? Ne peut-on pas prendre des mesures individuelles au cas par cas ? Est-on véritablement obligé de légiférer ? N’y a t il pas des problèmes plus importants actuellement que mettre en avant des dispositions pour pallier à « des futurs crimes potentiels » ?

J’ai peur de la dérive. Il ne faut pas regarder dans l’instant présent. Il faut le voir sur le long terme. Imaginons que dans quelques mois Nicolas Sarkozy ne soit plus au pouvoir. Mais que son successeur soit plus virulent que lui. Il pourra s’appuyer sur cette loi pour laisser en prison des « soit disant criminels » suivant son bon gré. A méditer ! Regardons ce qu’il se passe dans des régimes totalitaires avant de laisser faire sans rien dire dans son coin, sous prétexte que l’on est pas concerné.

Sans vouloir être pessimiste je n’oublie pas le poème de Martin Niemöller :

Lorsque les nazis sont venus chercher les communistes
Je me suis tu, je n’étais pas communiste.
Lorsqu’ils sont venus chercher les syndicalistes
Je me suis tu, je n’étais pas syndicaliste.
Lorsqu’ils sont venus chercher les sociaux-démocrates
Je me suis tu, je n’étais pas social-démocrate.
Lorsqu’ils sont venus chercher les juifs
Je me suis tu, je n’étais pas juif.
Puis ils sont venus me chercher
Et il ne restait plus personne pour protester.

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6 Commentaires

  1. Laurent Bourrelly

    24 février 2008 à 15:50

    Il y a un double enjeu autour de ce débat :

    1) concernant le texte en lui-même qui est abusif comme tu le dis toi-même
    2) non-respect des institutions par le président.

    Pour le 1) je peux comprendre l’intention gouvernementale, mais la possibilité d’abus est trop grande pour être acceptable. C’est en effet un parfum de Minority Report qui plane sur cette affaire, avec tous les dangers que cela engendre.

    Concernant le 2), tu avais déjà suggéré qu’il fallait rester vigilant par rapport aux signaux de totalitarisme dans la politique de Sarkozy et ce cas est un signal fort. Je ne vois qu’un régime totalitaire où le chef d’Etat puisse défier ainsi les plus hautes institutions du pays. Même s’il est possible de disserter sur la viabilité du Conseil Constitutionnel à cause des personnages plus ou moins corrompus qui le constituent, il n’en reste pas moins qu’il soit nécessaire de respecter ses décisions, même pour le président. De plus, Sarkozy implique la Justice pour contrer la décision du Conseil Constitutionnel, mettant à mal le respect infaillible que la Justice doit avoir envers le Conseil Constitutionnel.

    En tout cas, très bon article et cette fois tu m’as coiffé au poteau car j’avais noté qu’il fallait parler de cette affaire 😉

  2. Geoffrey

    24 février 2008 à 17:26

    Concernant le 2), tu avais déjà suggéré qu’il fallait rester vigilant par rapport aux signaux de totalitarisme dans la politique de Sarkozy et ce cas est un signal fort.

    Je me suis retenu pour ne pas le dire « haut et fort » encore une fois, donc je l’ai dit d’une manière plus soft… D’où ma conclusion 😉

    Parce que je pense qu’une dictature ne s’instaure pas du jour au lendemain. Et elle peut prendre différentes formes. Elle peut se faire de manière très sournoise… Je dirais de la manière manière que les femmes se retrouvent battues pendant des années… Une première gifle : « Oh ce n’est pas grave, et puis il m’a demandé pardon »… et au fil du temps le phénomène s’amplifie, au point qu’elles se retrouvent dans l’incapacité de réagir. Complètement soumises à leur bourreau. Et pour s’en sortir, elles n’ont que le choix de faire leurs bagages et partir !

    Enfin, tant qu’Adicie ne sera pas interdit en France, je continuerai à m’exprimer 🙂

    C’est les espagnols et leurs bières qui t’ont perdu… J’ai profité de ton absence pour faire le billet… mdr…

  3. Laurent Bourrelly

    24 février 2008 à 19:42

    Et oui, nous avons perdu contre le Crunch ! Mais bah, c’était un superbe match alors tant pis pour la victoire et bravo au jeu.

    Quant à Sarko, il faudrait croire que ses pires détracteurs ont raison puisqu’il serait d’un esprit totalitaire, même si le coup d’Etat ne semble pas sur l’agenda. C’est en effet par des moyens plus permissifs que cela se déroule.
    Pour lui laisser le bénéfice du doute, je ne crois pas qu’il soit habité par une volonté de changer la France en dictature, mais c’est certainement son état d’esprit et sa vision politique qui sont à tendance plus ou moins radicale.

    Edit : je viens de lire un excellent billet sur notre idée que Sarkozy veut établir un pouvoir autoritaire

  4. […] un post sur ADICIE consacré au même […]

  5. […] un post sur ADICIE consacré au même […]

  6. […] Cette manie de vouloir catégoriser les gens a vu le jour avec Bertillon, et l’application de l’anthropométrie aux hommes. Au 19ème siècle Alphonse Bertillon lance les fiches de description des délinquants. Méthode reprise par Hitler à d’autres fins : Le fichage des juifs pendant la guerre et inutile de rappeler comment il s’en servait. J’ai bien peur que dans quelques décennies on applique les statistiques pour établir le “portrait type du délinquant”. Vous avez un allèle suspect sur un de vos chromosomes ? Vous êtes donc potentiellement suspect. Ne me dites pas que j’exagère, c’est un peu le même principe qui a été mis en place pour les récidivistes. 10 à 15 % est le taux admis en matière de crimes sexuels. Or, il s’avère que le taux de rédicive est plus important pour les autres méfaits. Mais combien compte-t-on de délinquants sexuels ? Et en partant sur ces chiffres on vient de voter “la peine de sureté”. Alors pourquoi pas demain, si les statistiques montrent que 3 % de la population de couleur noire sont des criminels ne pas sortir une mesure disant : “Il faudra que chaque personne de couleur noire soit reconnue comme non-dangereuse pour la société, par un collège d’expert, sous peine d’être détenue par sureté”. On va vers le principe de Minority Report. […]

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